Bien avant que la science n’impose ses vérités, les campagnes françaises regorgeaient de récits et de croyances qui expliquaient à leur manière la nature du monde. Dans les villages, on ne concevait pas la Terre comme une sphère flottant dans l’espace : elle était vue comme un vaste plan horizontal, entouré par la mer et recouvert de montagnes et de vallées. Pour beaucoup, elle reposait sur des piliers invisibles ou même sur l’eau, « comme un navire » selon certains habitants du Mentonnais. En Bretagne, on racontait que Dieu avait créé la terre tandis que le diable, en contrepartie, avait façonné les eaux destinées à l’engloutir.
Ces représentations, parfois naïves mais profondément poétiques, s’accompagnaient de récits fabuleux pour expliquer l’origine des paysages. Dans le Berry, on disait que le géant Pousse-Montagne avait aplani les collines laissées par Gargantua, donnant ainsi au pays son aspect plat. La Beauce, quant à elle, aurait perdu ses montagnes sur la demande de ses habitants… mais en échange, le Sort les aurait transformés en bossus. Plus au sud, dans la Crau, une autre légende rapporte qu’une pluie de pierres envoyée par Jupiter, pour aider Hercule à combattre ses ennemis, serait à l’origine de cette plaine caillouteuse unique en France.
À travers ces histoires, c’est toute une vision du monde qui se dessine : une Terre façonnée par les dieux, les géants et les forces surnaturelles, loin des connaissances astronomiques modernes. Ces mythes, transmis de génération en génération, ne nous renseignent pas seulement sur l’imaginaire paysan : ils témoignent aussi de la manière dont les populations anciennes cherchaient à donner sens aux paysages qui les entouraient.