
Au cœur des montagnes françaises et suisses, les anciens récits murmurent la présence d’êtres invisibles et redoutés : esprits malveillants, démons, sorciers et bêtes fantastiques. Ces légendes, transmises de génération en génération, témoignent d’un monde rural habité par la peur du mystère et le besoin d’expliquer les phénomènes naturels — orages soudains, avalanches, éboulements — par la colère d’entités surnaturelles. Les montagnards, en quête de protection, invoquaient alors prières, exorcismes et rituels pour apaiser ces puissances cachées.
Sur les hauteurs, on disait que les démons se réunissaient dans la fureur des orages, que les sorciers dansaient leurs sabbats autour d’un bouc infernal, et que les prêtres eux-mêmes devaient exorciser glaciers et rochers pour repousser le mal. Ces lieux reculés — Diablerets, Mont-Blanc, Puech des Foxilieros — devenaient le théâtre d’assemblées infernales, de chasses maudites et d’apparitions inquiétantes. Chaque montagne semblait abriter son secret, chaque écho résonnait comme la trace d’un ancien sortilège.
Enfin, parmi ces récits merveilleux surgissent les animaux fantastiques, témoins d’une nature vivante et magique : le loup maigre d’Aulus, les chats combattants du Mené, ou encore les vouivres, serpents ailés aux yeux de feu gardant des trésors de lumière. Qu’ils soient destructeurs ou gardiens, ces êtres rappellent combien les montagnes furent perçues non seulement comme des lieux de puissance, mais aussi comme des frontières entre le monde des hommes et celui des forces occultes.
Dans les montagnes françaises et suisses, certains êtres surnaturels sont connus pour être malveillants. Ces génies, habitants secrets des sommets, n’aiment pas que l’on raconte leurs exploits. Les guides locaux se montrent donc très discrets lorsqu’on les interroge, par peur de les irriter par des indiscrétions.
Ces personnages sont souvent jaloux de leur domaine et réagissent violemment lorsque des humains s’y aventurent. Dans le village de Lescun, les habitants observent avec méfiance tout étranger qui grimpe la montagne d’Aurie. Selon la tradition, cette cime est le séjour de Yona Gorri, « l’être habillé de feu”, capable de déclencher des orages dévastateurs sur la plaine pour se venger de toute intrusion.
Au sommet du pic d’Anie, vit un esprit solitaire et mélancolique. Sa taille dépasse celle du plus haut sapin, et il entretient un jardin secret où croissent des plantes aux vertus surnaturelles. Leur suc peut décupler les forces des hommes et repousser les démons gardiens des trésors. Mais quiconque tenterait de cueillir ces plantes ou de visiter la demeure du génie déclencherait aussitôt des tempêtes effroyables. Ces récits rappellent que la montagne n’est pas seulement un lieu de beauté, mais aussi un espace sacré et dangereux, où les forces naturelles et surnaturelles se mêlent.
Dans la vallée d’Aspe et dans plusieurs régions des Alpes vaudoises, les habitants craignent encore l’influence des esprits de la montagne. Ces génies ont le pouvoir de former et dissiper les tempêtes, de protéger les sources et les fontaines, de garder les mines d’or et les cavernes de cristaux, et de chasser bruyamment à travers les précipices qu’ils habitent.
Un exemple célèbre recueilli par Bridel raconte l’histoire d’un jeune berger des Ormonts, passionné par la chasse au chamois malgré les interdictions de ses parents. Un soir, surpris par une tempête violente sur les précipices des Alpes, il se retrouva bloqué par la neige et le froid. Soudain, l’esprit de la montagne apparut dans un tourbillon et lui lança d’une voix menaçante :
« Téméraire ! qui t’a permis de venir tuer les troupeaux qui m’appartiennent ? Je ne vais pas chasser les vaches de ton père : pourquoi viens-tu chasser mes chamois ? Je veux bien te pardonner encore cette fois ; mais n’y reviens pas. »
Après cet avertissement, l’ouragan cessa et le jeune berger put retrouver son chalet, apprenant à respecter les règles du royaume invisible des cimes.
Dans les Pyrénées, les légendes locales racontent l’existence d’un homme sauvage, habitant les abîmes des montagnes et les forêts. Son corps est couvert de longs cheveux soyeux, il tient un bâton et court plus vite que les isards. Il se nourrit de racines et, dit-on, dérobe le lait des pasteurs, qui le surnomment Bassa Jaon. Ce personnage mystérieux joue également un rôle d’alerte des tempêtes. À l’approche du mauvais temps, il crie dans les montagnes pour prévenir les bergers : « Arretiret, bacquié. »
Dans les Landes, les paysans affirment que l’homme noir apparaît sur les sommets pyrénéens lorsque grêle et orages menacent les moissons. Les grêlons semblent littéralement tomber de sa main. Ce rôle de tempestaire est souvent attribué à un génie infernal, notamment sur le pic du Nethou, où il invoque les ouragans, les foudres et les torrents de pluie pour protéger son domaine.
Certaines montagnes de la région sont réputées inaccessibles aux mortels. Dans le pays de Barèges, à la fin du XVIIIe siècle, on disait qu’un seul homme avait atteint la cime du mont Perdu, mais grâce à Satan, qui l’avait conduit par dix-sept degrés avant de le précipiter du sommet, lui volant son âme au passage. Ces récits soulignent combien les Pyrénées étaient perçues comme des territoires sacrés et redoutables, où la nature et le surnaturel se confondent.
Les passages étroits et périlleux des montagnes, où un simple faux pas peut précipiter le voyageur dans de profondes crevasses, sont depuis toujours associés à des esprits malveillants. Selon la croyance des montagnards dauphinois, chaque abîme abrite des entités invisibles qui fixent les regards des passants pour les fasciner et les entraîner dans leur demeure humide. Ces êtres jouent de la peur et de la curiosité humaine pour punir les imprudents.
Dans les Pyrénées, chaque rocher dangereux et gouffre semble sous la protection d’une fée malfaisante connue sous le nom de fée des Vertiges. Avec leurs regards de flammes et leur beauté sauvage, ces sirènes envoûtent les voyageurs imprudents. Le cœur serré par l’effroi, le visiteur pressent le malheur imminent, mais il est trop tard : son imprudence peut lui coûter la vie, tandis que les rire d’une joie satanique se mêlent aux rumeurs du vent.
Dans le département de l’Ain, des esprits féminins appelés les Pierettes hantent la gorge des Hôpitaux, dominée par de hauts rochers. Ces entités font rouler des pierres sur les voyageurs qui s’aventurent imprudemment sur leurs terres, rappelant que la montagne n’est pas seulement un lieu de beauté, mais aussi un espace où le danger et le surnaturel cohabitent.
Autrefois, les lutins des montagnes étaient nombreux et, bien que parfois espiègles, rarement malveillants. Les récits les présentent souvent comme bienveillants envers les habitants des chalets et pâturages, mais très susceptibles et prompts à se venger de ceux qui leur manquaient de respect. Dans les Alpes et les Pyrénées, les “servants” étaient des esprits amis du foyer qui entraient dans les maisons en l’absence des montagnards pour accomplir une multitude de petits services.
En Alsace, vers le XIVᵉ siècle, on racontait qu’après le départ du dernier pâtre sur la montagne de Kerbholz, ces nains, accompagnés de leur bétail et de leurs outils pour le beurre et le fromage, s’installaient dans les chalets vides et y travaillaient nuit et jour. En hiver, ils descendaient dans les vallées pour déposer discrètement du beurre et du fromage de la meilleure qualité dans les cabanes des pauvres.
Dans les Alpes vaudoises, les lutins protégeaient les chalets et aidaient les bergers à conduire les troupeaux. Ils guidaient les vaches sur les chemins escarpés en récitant des formules magiques comme :
« Pommette, Balette ! passe par où je passe, tu ne tomberas pas des rochers. »
Dans les Alpes jurassiennes, les fouletots attiraient parfois une vache au fond des bois pendant que la bergère dormait, puis la ramenaient rassasiée et le pis gonflé, comme récompense de la patience et du respect que l’on leur témoignait. Les serviteurs exigeaient en retour une petite offrande traditionnelle, souvent la première levée de la meilleure crème du soir ou du matin.
Les lutins ne toléraient pas les manquements : un exemple sur le lac Lioson montre qu’un jeune pâtre oublieux de déposer la part du servant vit le troupeau broyé au fond d’un abîme après un ouragan nocturne et une voix menaçante lui criant :
« Pierre, lève-toi, lève-toi pour écorcher ! »
Comme les fées, ces génies détestaient la malpropreté. Ils abandonnèrent définitivement certaines régions lorsque des habitants souillèrent le lait placé pour eux.
Dans les Alpes vaudoises, certains lutins se manifestaient la nuit sous la forme de petites lumières, signalant leur passage discret mais visible aux yeux des humains. Au Rubli, les lutins appelés gommes veillaient sur une mine souterraine. On les apercevait parfois sous la forme de météores, lorsqu’ils se rendaient visiter leurs camarades sur d’autres sommets.
Tous les lutins n’étaient pas bienveillants. À la montagne de Coucu, un esprit follet faisait rouler d’énormes cailloux sur le chemin des passants, provoquant un bruit semblable à l’écroulement d’un vieux mur. Dans les Pyrénées, le follet s’attaquait aux chevaux des pâturages : il grimpait sur leur dos, les faisait bondir à travers les rochers et les blessait à l’aide d’une lance invisible, semant la peur parmi bergers et voyageurs.
Les géants, selon la tradition, ont contribué à façonner certaines montagnes secondaires et aimaient s’y promener. Pendant l’âge d’or des Alpes, Gargantua enjambait les champs et forêts d’un pas énorme. Quand il s’asseyait sur une chaîne de collines séparant deux vallées, une jambe pendait d’un côté et l’autre descendait de l’autre côté. En Savoie, il se reposait sur les sommets comme sur un escabeau à sa taille, jouait avec les sapins comme des pailles légères et baignait ses pieds dans les lacs. Les enfants des vallées imaginent encore le géant du ballon de Servance assis devant la montagne du Them comme devant une table servie.
Certaines légendes racontent que des géants mangeurs d’hommes habitaient jadis les montagnes du Doubs. Un jour, un prêtre exorciste fit tomber un rocher si lourd devant la caverne d’un de ces géants qu’il y resta enfermé pour l’éternité. En Alsace, un énorme géant nommé Roege résidait sur la colline de Nollen.
Le dernier géant de la tradition vaudoise, appelé Pâtho, vivait dans une caverne et n’en sortait que la nuit ou par temps de brouillard. Les pâtres racontaient que ses cris perçants faisaient frissonner les montagnards et que parfois, il portait une lanterne pour se déplacer.
Certaines montagnes servaient même de tombeaux pour les géants. En Alsace, le géant qui aurait formé la vallée de Munster est enseveli sous la cime majestueuse de Hohenack, appelée par les montagnards le tombeau du géant. On raconte que, dans le silence de la nuit, il se réveille parfois et que ses mouvements font entendre d’affreux gémissements, rappelant la présence des anciens colosses.
Certaines montagnes restent hantées par des revenants, des âmes qui n’ont pas trouvé le repos après leur vie terrestre. Les noyés, par exemple, ne peuvent reposer en paix s’ils n’ont pas été inhumés en terre sainte, tandis que d’autres sont condamnés à accomplir des pénitences là où ils ont commis leurs méfaits.
Dans les belles nuits, il arrive de voir trois flammes voltiger au-dessus d’une crevasse, là où trois guides furent ensevelis sous deux cents pieds de neige. Ces flammes représentent leurs âmes privées d’une sépulture chrétienne. Comme le note Alexandre Dumas dans Impressions de Voyages en Suisse, certains glaciers du Rhône présentent même des zones de neige rouge, signe mystérieux des présences invisibles.
Un passage très fréquenté autrefois par des muletiers italiens transportant du vin raconte une légende de punition. Abusant de la confiance des habitants, ces hommes buvaient le vin transporté et remplaçaient le déficit par de la neige et de l’eau. En conséquence, leurs ombres doivent errer sur le Nêvé jusqu’à ce qu’une âme compatissante mette fin à leur supplice.
Pour les apaiser, il suffit de faire le signe de la croix et d’asperger de vin rouge la neige rouge, accomplissant ainsi un rituel de rédemption et délivrant ces âmes tourmentées du purgatoire glacé.
Dans les Alpes vaudoises, certains revenants sont soumis à d’étranges expiations posthumes. Les chevriers négligeant la garde de leur troupeau bramaient sans relâche jusqu’à l’aube leur cri d’appel : « Ta bédjet, tiens chèvre ! » Quant aux vachers ayant maltraité ou jeté leurs bêtes dans les précipices, ils reviennent sous forme d’esprits jusqu’à ce que le prix de l’animal soit restitué, accomplissant ainsi leur pénitence.
Dans la Suisse romande, un pâtre qui avait volé du sel durant la garde de ses troupeaux revenait chaque hiver au chalet où il avait commis son larcin. Condamné à moudre et remoudre sans fin la quantité de sel volée, il répétait cette tâche inlassablement jusqu’à ce que sa faute soit réparée. Une légende de Nendaz, vallée en face de Sion, raconte qu’un bûcheron rencontra un tel revenant au grenier de Siviez. Le mort, vêtu de haillons noirs et sentant le lait aigri, demanda au vivant de veiller à ce que ses descendants rendent les vingt-cinq mesures de sel volées, disparaissant ensuite comme une fumée dans la vallée.
En Basse-Bretagne, les âmes du Purgatoire se manifestaient par des cris plaintifs sur les montagnes. Les légendes racontent que les vieilles filles, celles ayant refusé le mariage, sont condamnées après leur mort à accomplir des tâches pénibles. Sur le tertres de Brandefer au-dessus de Plancoët (Côtes-du-Nord), elles doivent laisser pousser leurs ongles pour gratter la terre, surveillées par sainte Verdagne.
Dans la Suisse romande, les filles trop difficiles à marier sont condamnées à remonter sans fin la pente d’un gigantesque éboulis de sable, toujours croulant, visible en Muraz sur la rive gauche du Rhône. Ces histoires témoignent des croyances populaires liées aux punitions posthumes et aux rites de justice morale dans les régions montagneuses.
Sur le sommet du Boelchen, près de Sulz, les âmes des arpenteurs qui ont trompé les gens dans leur travail reviennent pour expier leurs fautes. Leur punition ? Mesurer perpétuellement la montagne, un châtiment sans fin qui hante ce lieu élevé.
Autrefois, les muletiers de la vallée de la Loue étaient témoins de manifestations effrayantes lorsqu’ils suivaient le chemin raide menant de Mouthier au sommet après le coucher du soleil. Ils entendaient des plaintes lugubres et voyaient apparaître dans les airs des spectres hideux et formidables. Les damnés et suicidés descendaient parfois près d’Aven ou d’Ardon, émettant d’affreux gémissements. Leurs corps, usés par des siècles d’errance sur les rochers, portaient les marques de leurs longues pénitences : bras usés jusqu’aux coudes ou aux épaules, et fatigue éternelle.
En Alsace, la colline du Hochfeld est réputée pour ses fantômes espiègles qui induisent les visiteurs en erreur. Même les habitants connaissant parfaitement le terrain se perdent parfois des heures en plein jour, victimes des esprits qui hantent le lieu. Les arpenteurs revenants du Boelchen pouvaient également égarer ceux qui tentaient l’ascension, ajoutant une aura de mystère et de danger aux montagnes.
Entre les sommets des chalets de Saint-Pierre et de Sarre, au pays d’Aoste, se situe le lac des Morts. La tradition veut que quiconque oserait tourner trois fois autour de ses rives en disant : « Lac des Morts, où sont les morts ? » verrait surgir une ombre vengeresse l’entraînant au fond de l’eau en criant : « Viens voir quels sont mes morts ! ». Selon la légende, ce lac doit son nom aux cadavres des combattants tombés lors d’une bataille entre vivants et défunts.
Dans de nombreuses régions montagneuses, du Dauphiné aux Alpes suisses et savoyardes, un usage ancien voulait que les voyageurs jettent une pierre sur le lieu où un accident avait causé la mort d’un homme. Avec le temps, ces amas de pierres devenaient considérables et formaient une sorte de galgal, un cairn symbolique de mémoire et de respect. Autrefois, cette pratique était presque sacrée. Par exemple, le chef des bergers des montagnes de l’Ariège faisait serment de déposer une pierre sur toute victime de la tourmente. Même en Basse-Bretagne, où les montagnes sont modestes, cette coutume s’est perpétuée, comme le montre la légende suivante.
Entre les deux sommets du Ménez-Hom, se trouve un cairn appelé Ar Bern Mein, littéralement « le tas de pierres ». Son origine remonte à un roi breton, le roi Marc’h, puissant mais emporté. Dévot envers sainte Marie du Ménez-Hom, il fit construire la chapelle encore visible aujourd’hui. À sa mort, Dieu, fléchi par les prières de la Vierge, condamna son âme à rester dans sa tombe jusqu’à ce que celle-ci soit assez haute pour qu’il puisse voir le clocher de la chapelle.
Un jour, un mendiant vit près de sa tombe une belle dame portant un objet lourd dans sa robe. Elle lui demanda de déposer une pierre à l’endroit où elle placerait la sienne. Le mendiant obéit et reçut un louis d’or en récompense, avec l’instruction de transmettre ce geste à tous les voyageurs. Depuis ce temps, le tas de pierres a grandi d’année en année, chaque passant apportant sa pierre en hommage et en mémoire du roi Marc’h et de la tradition.
Les montagnes ont été considérées comme des lieux habités par des esprits infernaux, responsables de terribles éboulements, d’orages soudains ou de phénomènes inexpliqués. Pour se protéger de ces forces malveillantes, les habitants pratiquaient parfois des exorcismes sur les lieux où l’on croyait que ces génies résidaient. Dans le Valais, on racontait que les démons faisaient entendre leurs gémissements et brillaient de petites lanternes sinistres la nuit, notamment avant les catastrophes de 1714 et 1749. Avant ces éboulements, des bruits sourds et des détonations souterraines avaient été perçus dans les entrailles des Diablerets, signalant la fureur des mauvais génies.
Un père jésuite de Sion avertit les pâtres valaisans : le secteur était le faubourg du diable et des damnés, où deux partis de démons s’affrontaient – l’un pour pousser la montagne vers le Valais, l’autre vers les Bernois. Cette lutte provoquait des vacarmes, craquements et combats souterrains, annonciateurs d’un désastre imminent. En 1714, le curé de Fully prit les devants : il se plaça sur le pont d’Ardon et exorcisa les démons afin de protéger le village de la colère des génies malveillants.
Depuis longtemps, les montagnes sont perçues comme le théâtre d’actions surnaturelles. Les orages qui éclatent sur le Mont-Blanc étaient autrefois attribués à la colère des esprits infernaux, envoyés par la justice divine pour punir les habitants pour leurs mœurs relâchées. Certaines années, les glaciers semblaient avancer jusqu’aux habitations, envahissant les terres cultivées, obligeant les villageois à recourir aux prières et exorcismes de l’Église.
Vers la fin du XVIIe siècle, Jean d’Arenthon, évêque de Genève, s’avança jusqu’au pied des glaciers de Chamonix pour les exorciser. Depuis, les mauvais esprits ne seraient plus réapparus. Mais la croyance populaire attribuait aussi ce pouvoir aux habitants eux-mêmes : en 1719, des paysans du canton de Berne demandèrent au bailli d’Interlachen l’autorisation de faire reculer les glaces grâce à un sortilège, pratique qu’ils auraient appliquée secrètement.
Certains sommets servaient de rendez-vous aux tempestares, sorciers et démons. Par exemple, le Mont Anie dans les Pyrénées était considéré comme un arsenal d’orages, d’où sorciers et démons lançaient grêle et tempêtes sur les villages. Dans le Béarn, un proverbe disait :
« At soum d’Anie, De brouixs, brouixes y demounsfurie »
Dans de nombreuses régions de France et d’Europe :
- Les fées et sorcières de l’Aveyron se réunissaient la veille de la Saint-Jean sur le Puech de los Foxilieros, exécutant des rondes sur des balais ou des chemins de pierres alignées.
- Les sabbats du Morvan avaient lieu dans des vallons déserts, notamment au Rond du Diable, où l’herbe restait fanée par le passage des esprits.
- Dans les Alpes vaudoises, la coraule ou danse du diable se déroulait au Creux d’Enfer, avec un vacarme de pierres qui s’entrechoquent.
- En Aoste, les habitants racontaient la vision d’une synagogue de sorciers sur le Plan des Sorcières, où hommes et femmes participaient à des danses infernales autour d’un chaudron et d’animaux monstrueux.
Outre les sabbats, d’autres apparitions nocturnes effrayaient les villageois :
- L’Archevêque, personnage mystérieux, se promenait à minuit sur la montagne de Bellot.
- Un grand cavalier noir, sur un cheval tout aussi sombre, parcourait chaque nuit à Saint-Georges-la-Pouge une petite montagne, poursuivi par un lévrier noir, son passage résonnant à une demi-lieue.
- Dans les Monts Noirs (Doubs), les sorciers pouvaient influencer la réussite des fromagers ou égarer les troupeaux pendant le sommeil des pâtres.